2014 Dak’art 2014 – SENEGAL
INSTALLATION
Au même titre que le tabac, le café, le sucre, le rhum, le cacao et toutes autres épices, le tristement célèbre « Code Noir « de Colbert avait fait du nègre une marchandise, un produit. Arraché de son village, déporté de son pays, stocké dans les cales de gros navires marchands conçus à cet effet, il était transporté pour être exposé, vendu et utilisé jusqu’à l’avarie.
L’installation que je propose, entend exprimer cette idée de l’homme conditionné à l’instar de n’importe quel bien de consommation en l’occurrence ici, un produit exotique, destiné au « Commerce Triangulaire » de la « Compagnie Française des Indes Occidentales » orchestré par Colbert sous Louis XIV.
Elle se compose de dix fûts sont disposés en pyramide, sur un socle triangulaire équilatéral de dimensions (cotés) : 250cm X 250cm, (hauteur) : 280cm. Le socle est renforcé par un éclairage en pied, (système de LED de couleur bleu outremer) épousant la forme du triangle, en référence au fameux commerce triangulaire. Les produits exposés – estampillés au nom de ladite Compagnie des Indes – ont pour appellations contrôlées les noms ethniques d’africains déportés, puis réduis à l’esclavage sur les plantations. Ceux-là mêmes qui ont contribué à la production et à la fabrication des célèbres épices, alcools et autres productions des colonies.
L’idée de partir vers ces terres de nos ancêtres m’a longtemps effleuré l’esprit, sans jamais se concrétiser faute d’un mobile propulseur. Car il faut bien le dire, contrairement au sempiternelles va-etvient entre Orly, Roissy et Pointe-à-Pitre, qu’est-ce qui pourrait bien motiver un « franco-nègr’île » à se rendre là ou l’info et l’intox ne parlent que de guerres ethniques, de paludisme, de malaria, de chikungunya et depuis peu d’Ébola ?
Il est vrai que depuis quelques temps et notamment grâce à certains contacts sur la toile numérique j’y pensais de plus en plus souvent, de façon constructive. Espérant donc une opportunité motivante qui déclencherait la décision, mon invitation à la Biennale internationale d’Art Contemporain tombait à point nommé.
Pour l’ensemble des pèlerins – les retours vers la mère Afrique, quels qu’en soient les motifs, outres les projets touristiques, économiques, missions spirituelles, idéologiques ou humanitaires – sont toutes empreintes de la même idée qui les unit. Un lien profond, indicible, inaliénable, et indéfectible, souvent inconscient, marque en réalité l’attachement à ses origines. Dans leurs très larges diversités, ils sont tous à saluer et à encourager.
Dans l’esprit du projet qui présidait ce voyage, j’ai décidé de donner un sens singulier à cette participation à la Biennale. L’oeuvre construite dans la thématique « Produire le Commun » exposée au Musée Théodore Monod n’était pas seulement la réponse apportée à cette invitation des organisateurs qui m’ont fait honneur, mais le sentiment, sincère et profond d’une manière de réparation ; ma contribution à un devoir, le sentiment d’un accomplissement, un soulagement, comme le fait de déposer un fardeau que l’on porterait depuis un trop longtemps.