Richard-Viktor SAINSILY CAYOL

Musing Jeopardy 2.0, « Héritier rebelle » – 2019

Musing Jeopardy 2.0, « Héritier rebelle »
Evénements art guadeloupe Musing Jeopardy 2.0, « Héritier rebelle »

ECLATS D’ÎLES PARIS 2019

Le projet « Eclats d’îles » présentait une sélection représentative d’oeuvres d’artistes contemporains en activité, de Guadeloupe. Pour la 3e exposition, qui s’est tenue du 28 février au 15 mars 2019, six d’entre eux ont exposés au 24 Beaubourg. Il s’agit de : Charles Chulem Rousseau, Guy Gabon, Samuel Gelas, Antoine Nabajoth, Bruno Pédurand, et Richard-Viktor Sainsily Cayol.

Musing Jeopardy 2.0, « Héritier rebelle ».

Ma contribution artistique, bien que métaphorique, dans l’iconographie, est avant tout déconstructive, dénonciatrice, ironique et par conséquent subversive.

C’est en tant qu’arrière petit fils d’esclaves, afro-descendant, porteur de l’héritage des aïeux-martyrs de mon île, que je m’incruste dans des toiles de maîtres du XVIème(17), au XIXème siècle, marqué de la fleur de lys sur le crâne ou l’épaule(17b) , pour dire, je suis des vôtres et comme vous rebelle. Si hommage il y a, ce n’est pas en direction de ces peintres, mais au courage et à la verticalité de nos aïeux. C’est surtout une volonté de déconstruire les schémas imposés aux travers de ces grands chefs-d’oeuvre n’accordant aucune place de valeur aux noirs. Des chefs-d’oeuvre d’artistes de renoms qui en effet, nous dévoile la grande noblesse dans son faste et sa luxure, la belle époque(18), alors que les femmes et les hommes qui garantissaient sa fortune et son confort, (18b) souffraient et souvent mourraient dans les champs de canne, de coton et de maïs, lorsque ce n’était en pleine traversée de l’océan, en provenance d’Afrique.

Cette insertion dans des oeuvres d’art classiques, néo-classiques et impressionnistes correspondant à cette période dite des lumières, est une manière pour moi de dénonciation de l’obscurantisme intellectuelle qui régnait en Europe dans les courants de pensée, sur lesquels se fondait la traite négrière. En m’incrustant dans ces tableaux de maîtres, je revendique ma place d’héritier de rebelle, de captif, de propriété, de « sujet », de bien meuble ; depuis la naissance, notre pays n’ayant jamais connu de sortie sous tutelle. En tant que colonie départementalisée, nous sommes sujets aux inégalités, aux humiliations, aux dérives, produits de notre paradoxale condition. Les propos racistes essuyés par Mme Taubira, alors ministre régalien de l’état français en est l’illustration la plus factuelle. Le traitement simiesque qui lui a été réservé, comme dans ces temps reculés qu’on croyait révolus, (« guenon », « macaque », lui ont été balancé, avec des bananes bien sûr !) révèle comment une certaine France voient certains Français.

Le détournement, que j’opère, bien que ce ne soit son principal dessein, dirige inévitablement le regard sur l’oeuvre originale et par conséquent s’appuie sur l’intérêt quelle suscite pour y greffer un message subversif. Ma démarche peut être comparée au taggage d’un mur d’une grande visibilité, comme le ferait un graffeur. Un mur sur lequel j’inscris une revendication ou un message de dénonciation.

En ce sens, le choix de la luxueuse porcelaine de limoge (style Napoléon) protégée dans des vitrines acryliques, traduit cette intention de capter l’attention, en la dirigeant sur le chef-d’oeuvre connu, mais aussi sur la noblesse du support, qui s’inscrit à son tour, dans le champ esthétique et les critères du bon goût dudit siècle des lumières. (22)