Richard-Viktor Sainsily Cayol,
l’hybridation des médiums
La pratique de Richard-Viktor Sainsily Cayol se caractérise depuis de nombreuses années par des réalisations hybrides mêlant diverses techniques comme la peinture, le collage et les images numériques. Après avoir associé peinture, collage de dessins, images argentiques ou impressions numériques fixes, il cherche à établir de nouveaux dialogues entre dessin, peinture, sculpture, nouveaux médias, photographies numériques, infographie et Internet. Il associe donc des techniques sommes toutes traditionnelles, la peinture sur toile, le dessin, avec une technique récente : la vidéo numérique. Ce qui a priori semble s’opposer d’un point de vue technique est ici au contraire associé, donnant des œuvres surprenantes en ce sens qu’elles intriguent le regardeur qui s’interroge sur leur mode de réalisation. En effet, depuis 2007, cet artiste a recourt aux cadres photo numériques qu’il fixe dans ses peintures. Il découpe dans la toile des fenêtres et place derrière, à cet emplacement, un cadre photo qui s’insère dans la composition et qui diffuse une image animée dans un environnement fixe. D’où la surprise que nous venons d’évoquer.
Ces clips vidéo d’une durée comprise entre 30 secondes et 3 minutes s’intègrent dans une composition constituée de métal cousu, de fragments de tissus, de coupures de presse, de photos de magazines, de tirages numériques. L’ensemble est ensuite unifié grâce au recouvrement de peinture acrylique ou de peinture pour vitrail. Les œuvres de Richard-Viktor Sainsily Cayol sont ainsi non seulement à voir, mais aussi à entendre. Il mêle en effet l’image fixe, l’image en mouvement et le son. Ces réalisations invitent le regardeur à l’exercice d’un autre regard et d’une autre approche de l’œuvre. Ce rapport spécifique à l’œuvre est nommé digitwal. Le visuel et le sonore sont partie prenante de la réalisation. Les œuvres vivent et diffusent du son. Chaque vidéo est un fragment d’histoire qui donne à l’espace une autre dimension.
Le collage, l’intrusion d’éléments hétérogènes participent de la fabrication de l’œuvre : présence de matières donnant des textures, collage de photographies argentiques, d’images de magazines, de photocopies, de tirages laser, d’impressions numériques, de métal, de bois, de tissus. Les collages vidéo sont pour le moins insolites et troublants, car on ne s’attend pas à voir dans la peinture des espaces s’animer. La peinture devient une sorte d’écran magique.
Attardons-nous sur une œuvre récente, Washing of the brain, exposée à la Triennale Internationale d’Art Contemporain de Santo Domingo, particulièrement appréciée par le jury puisqu’il lui a décerné le « prix de l’innovation ». En quoi cette réalisation est-elle innovante ? La thématique étant liée à l’environnement, l’artiste a intégré dans sa composition des matériaux de récupération issus de la société de consommation. Les déchets sont ainsi recyclés ou plutôt dé-situés, accédant à un nouveau statut. Au centre de la toile est représentée une machine à laver dont le hublot réserve quelques surprises puisqu’il recèle un clip vidéo de trois minutes qui tourne comme un programme de lavage. Cette œuvre questionne. On y devine un propos, une intention. Il s’agit pour l’artiste de dénoncer à la fois la prolifération des marchandises, le gaspillage, la pollution de la nature, mais aussi la pollution des esprits saturés d’images de toutes sortes et de programmes télévisuels abêtissants.
L’hybridation des techniques et des procédés sont à l’origine d’œuvres souvent insolites qui, comme dans le cas de celles de Richard-Viktor Sainsily Cayol, questionnent le réel de manière inventive et dynamique.
Dominique Berthet, © 2012.